Le Manoir
Le Manoir Michelet est un manoir en ville situé dans le Perche, à Nogent-le-Rotrou (Eure et Loir) à 1h40 de Paris en voiture ou en train (Gare Montparnasse). Je restaure cette demeure avec passion depuis bientôt une quinzaine d'années.

En 2011, j'ai ouvert une première chambre d’hôtes de charme située dans l’ancienne cuisine du Manoir, puis une seconde chambre à la suite du logis de plain pied, en juillet 2015. Une troisième chambre située au premier étage, en février 2018.

Le Manoir Michelet est répertorié dans le Guide du Routard "Le Perche" 2018 (page 49) et "Chambre d'hôtes référence".

Venez dans le Perche passer un week-end ou un séjour long, en amoureux ou bien en famille. Nous recevons les randonneurs et les cyclistes parcourant la Véloscénie (Paris - Mont Saint-Michel).

Passionné de généalogie foncière, j'ai réussi à retracer la vie des propriétaires du Manoir Michelet depuis le XVIème siècle. Voici le fruit de mes recherches...

 

Construit à la fin du XVème siècle par les Michelet, une riche famille de marchands de fer, le Manoir devient à la Révolution française la gendarmerie à pied de Nogent-le-Rotrou et se transforme en 1822 en pensionnat, tenu par le célèbre instituteur Louis Arsène Meunier.

 

Un peu d'histoire...

 

Pierre Michelet dit l’Ainé (ou l’Ancien) est le plus vieux représentant de la famille Michelet, connu de la ville de Nogent-le-Rotrou. Son épouse Marguerite Pean lui donne deux fils : Pierre (dit le Jeune) et Mathieu. Mathieu Michelet et son épouse Isabeau Girard donnent à leur tour naissance à 5 enfants, dont François qui devient en 1588 Sieur de la Bigotière. François Michelet est avec certitude le premier propriétaire connu du Manoir Michelet.

 

Mais François Michelet, né avant 1569, est bien trop jeune pour avoir fait construire le Manoir qui date de la fin du XVème siècle (1490). Laissons plutôt cette initiative à son grand père : Pierre dit l’Ainé.

 

François Michelet, Sieur de la Bigotière épouse avant 1589 Françoise Gobillon, Dame de Launay. De cette union naissent 9 enfants entre 1589 et 1604. Tous sont baptisés à quelques mètres du Manoir Michelet en l’Église Notre Dame des Marais, qui sera malheureusement détruite deux siècle plus tard en 1798.

 

En 1639, leur fille Marguerite Michelet épouse Thomas Champion, Sieur de Launay. Un an plus tard leur autre fille Françoise Michelet épouse Jacques Aubin, Sieur de la Galaisière et des Espinays. Les deux soeurs vivent leur enfance et leur veuvage au Manoir Michelet. A la mort de Françoise Michelet en 1673 c’est le neveu des deux femmes, Michel Michelet Sieur de la Gentilière qui hérite du Manoir. Il y vit 27 ans de 1673 à 1700.

 

En 1700, Michel Michelet fait donation du Manoir à Gabrielle Mathurine Foussard de Boisard et à son époux Paul François, Chevalier du Chesnay. L'épouse descend de la branche de Pierre Michelet dit le jeune.

 

En 1708, Pierre III d’Escorches, Sieur du Mesnil Sainte Croix et des Genettes, époux d'Anne de Samé (fille de François Samé, Sieur de la Goutte et de Dame Françoise La Vie) étaient donataires entre eux et légataires en moitié de Dame Marguerite Michelet, vivante, veuve de Thomas Champion, ont cédé, quitté et abandonné plusieurs biens dont une maison (le Manoir Michelet) situé Rue Bourg le Compte, Paroisse Notre Dame de ce dit lieu, à Paul François, Chevalier du Chesnay et à son épouse Gabrielle Mathurine Foussard de Boisard.

 

Pendant plus de deux siècles, le Manoir resta dans la même famille.

 

Un Irlandais dans le Manoir...

 

En 1720, Paul François, Chevalier du Chesnay et son épouse Gabrielle Mathurine Foussard de Boisard vendent le Manoir à Jacques de Nugent, Écuyer, Seigneur de Johnstown en Irlande et autres lieux, Chevalier de l’Ordre Militaire de Saint Louis, Capitaine de Cavalerie dans le Régiment de Nugent et à son épouse, Dame Marie Jeanne de Clergeot.

 

La même année le couple donne en location le Manoir Michelet à l’Abbé de Barantin. Il est écrit sur l’acte qu’il pourra lors de sa sortie, faire enlever le potager (en pierre) qu’il a fait construire dans la cuisine, si bon lui semble.

 

De l’union de Jacques de Nugent et de Marie Jeanne de Clergeot naissent 5 enfants, tous baptisés en L’Église Notre Dame des Marais. Quatre décèdent en bas âge, seule l'ainée Marie Louise de Nugent survit.

 

En 1749 elle épouse Jean Jacques de Guéroult de la Fontenelle, Écuyer, Sieur de la Terrière, de la Lisardière et de la Gloriette. Dans le contrat de mariage il est écrit qu’elle ne jouira pas du Manoir Michelet et de ses dépendances, où demeure actuellement sa mère, Marie Jeanne de Clergeot.

 

Un Manoir bien garni

 

Marie Louise de Nugent part donc vivre avec son époux au Château de la Fontenelle, à Montgaudry, avec l’équivalent de 1000 livres en meubles, effets, argenterie et ustensiles de cuisine cédés par sa mère, Marie Jeanne de Clergeot. Nous connaissons donc avec exactitude une partie du mobilier qui se trouvait dans le Manoir Michelet au milieu du XVIIIème siècle :

 

- une cuillère potagère, 6 cuillères, 6 fourchettes marqués aux armes des Nugent, le tout en argent
- une écuelle et 2 cuillères à ragoût, marquées d’un J et d’un N (Jacques de Nugent), le tout en argent
- un lit à l’impériale, garni de soie, paniers et dossiers de serges etc...
- un autre lit à l’ange, garni etc...
- une armoire en bois de chêne ouvrant à deux battants
- un demi buffet en bois de chêne à deux fenêtres et deux tiroirs
- un miroir en glace etc...
- une grande table de bois de chêne avec un grand tapis de tapisserie à l’aiguille
- trois morceaux de tapisserie pour couvrir un canapé
- un morceau de drap vert pour une table à quadrille
- 24 morceaux de tapisseries aussi à l’aiguille, dessins de Point de Hongrie, propres à faire des chaises
- une petite caisse de cuir, garnie d’un tiroir fermant à clef
- une toilette composée d’un miroir et d’un tapis de soie verte
- 4 douzaines de serviettes de toile de lin
- 2 casseroles, 2 chaudrons à poisson, une grande tourtière le tout en cuivre rouge.

 

Un Manoir rempli d'enfants

 

Marie Jeanne de Clergeot décède en 1758 et est inhumée en l’Église Notre Dame des Marais dans la Chapelle du Rosaire, où elle rejoint son époux Jacques de Nugent, enterré 18 ans plus tôt. Sa fille Marie Louise de Nugent est sa seule héritière. Avec son mari Jean Jacques de Guéroult, ils décident de quitter le Château de la Fontenelle pour s’installer au Manoir Michelet. De leur union naissent cinq enfants entre 1752 et 1768.

 

Marie Louise de Nugent s’éteint en 1771 à l'âge de 49 ans. Veuf, Jean Jacques de Guéroult se remarie un an plus tard avec Anne de Brossard en l'Église Saint Laurent de Nogent. Il décide de ne pas vivre au Manoir Michelet avec sa nouvelle épouse mais de retourner au Château de la Fontenelle. De nouveau veuf en 1787, il meurt à Montgaudry en 1798.

 

Les Gendarmes à pieds occupent le Manoir Michelet...

 

Entre 1771 et 1799, la succession de Marie Louise de Nugent n’est toujours pas réglée, elle comporte 4 lots dont le Manoir Michelet. Sur les cinq enfants Guéroult, les deux fils aînés sont décrétés immigrés, la "République" décide donc de récupérer deux des quatre lots par tirage au sort. Le Manoir est tiré au sort en faveur de la "République", qui le cède à la "Commune" de Nogent-le-Rotrou. Le Manoir Michelet devient la Gendarmerie à pied de Nogent-le-Rotrou pendant une vingtaine d’années.

 

Les temps changent, l’Empire puis la Royauté reviennent au pouvoir. En 1817, la famille de Guéroult demande la remise en possession du Manoir Michelet (non vendu comme bien national) appartenant aux deux fils aînés immigrés, décédés.

 

En 1819, la Commission du Ministère des Finances, chargée de se prononcer sur la remise des biens séquestrés et non vendus, déclare que les héritiers Guéroult ont droit à une indemnité, correspondant à la période où le Manoir Michelet a été occupé par la Brigade de Gendarmerie à pied.

 

Le miracle


En 1822 lors de la vente du Manoir Michelet réapparaît Jean Jacques de Guéroult (l’un des deux fils immigrés) qui était considéré mort en immigration à Philadelphie en 1796 ! Comme il est devenu l’ainé des quatre enfants restants, il hérite de la moitié de la vente du Manoir, alors que ses trois autres frères et sœur se partagent l’autre moitié.

 

Arsène Meunier


Le nouveau propriétaire n’est autre que le célèbre Louis Arsène Meunier à l'époque simple instituteur. En 1823, il transforme le Manoir Michelet en pensionnat. L'histoire passionnante de Louis Arsène Meunier est racontée dans les Cahiers Percherons n°65 et 66 intitulés "Mémoire d’un ancêtre ou les tribulations d’un instituteur percheron". A plusieurs reprises Louis Arsène Meunier parle du Manoir Michelet : "ma maison était très vaste, c’était l’ancienne Gendarmerie, j’avais la possibilité de loger chez moi 25 ou 30 jeunes gens (...) je fit abattre un refend (un mur) pour l’agrandir en y joignant une pièce voisine. Ma nouvelle salle avait 10 mètres 50 sur 7 mètres et pouvait contenir une centaine d’élèves".

 

Lors de la restauration du Manoir Michelet, j'ai retrouvé les volumes d’origines qui correspondent à la salle de classe de Louis Arsène Meunier. Cette salle correspond à l’actuelle salle basse que j'ai transformée en cabinet de curiosités et en espace pour prendre le petit déjeuner.

 

Après avoir passé avec succès le concours pour la place de Directeur de l’École Normale de l’Eure, Louis Arsène Meunier quitte Nogent-le-Rotrou pour Évreux en décembre 1832.

 

Mais l'école n'est pas abandonnée pour autant. Louis Arsène Meunier qui cherche à louer sa maison trouve un successeur en la personne de Maurice-Sébastien Vigneau (né en 1802 à Fontaine-la-Guyon). Le nouvel instituteur ouvre une école mutuelle et en devient le directeur. Dès 1836 la maison est de nouveau à louer puis à vendre en 1840.

 

Une histoire plus calme

 

En 1846, le Manoir Michelet est racheté par Joseph-Jacques Vallet, conducteur des Ponts et Chaussées, époux d'Émilie Charlotte Martin. Il meurt en 1862 et sa veuve décide quatre ans plus tard de vendre le Manoir à Sébastien Joseph Chouanard et son épouse Florence Pelletier.

 

Sebastien Joseph Chouanard est marchand de bœuf, cultivateur et herbager à La Ferme de La Touche à Nogent-le-Rotrou. Il décède en 1878, sa veuve Florence Pelletier habite le Manoir avec Clémence, l'une de leur filles, jusqu’à sa mort en 1884.

 

Henriette Téonille Chouanard la fille ainée du couple, hérite du Manoir l'année suivante et y habite pendant 5 ans avec son époux Émilie Auguste Dolige (meunier). Puis c'est au tour de Marie Joséphine Chouanard, une autre soeur, d'être propriétaires du Manoir Michelet avec son époux Louis Alexis Guillemin (cultivateur). Ils possèdent le Manoir de 1891 à 1902. Clémence, toujours demoiselle, habitera sur place avec eux.

 

Armandine Guillemin, la fille de Marie Joséphine et Louis Alexis, se marie en 1865 avec Louis Victorien Gaulard, cultivateur et maire de Coudray au Perche (décédé en 1887). En 1906, veuve, elle s’installe dans le Manoir avec sa soeur Antoinette (veuve Pelletier).

 

Du mariage d’Armandine Guillemin et de Louis Victorien Gaulard nait en 1870 Celine Armandine Gaulard, qui se marie à Jules Louis René Lelasseux 20 ans plus tard. Armandine et sa fille Celine Armandine, veuves toutes les deux, vivent ensemble dans le Manoir Michelet jusqu’en 1926 pour la mère et 1953 pour la fille.

 

Retour à l'école

 En 1946, la propriétaire,Céline Lelasseux loue la maison à l’école: Le Cours Saint Jean.Après son décès (1952), ses héritiers vendent la maison au même Cours Saint-Jean De nombreuses élèves de la seconde à la terminale me relatent aujourd’hui le temps passé dans chaque pièces du Manoir et les cours prodigués par les professeurs presque un siècle et demi après Louis Arsène Meunier.

 

L’histoire du Manoir Michelet ne s’arrête bien sur pas là, mais l’avenir nous en dira plus...

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